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LES FORTIFICATIONS ALPINES DE 1888 A 1940  

Capitaine TRUTTMANN  

 

Lorsqu’en 1885, se produit la crise de « l’obus-torpille », rempli du nouvel explosif brisant, les réalisations fortifiées sur les Alpes sont déjà considérables depuis des siècles.

 Certes, depuis le Moyen-Age, les constructions barrant les principales voies d’invasion se sont succédées, puis sous l’impulsion successive de Vauban, de d’Asfeld et d’Haxo considérablement étoffées (Saint-Vincent, Entrevaux, Briançon, Montdauphin, Tournoux, Fort l’Écluse, etc.).

Néanmoins, à la fin du XIXe siècle, l’ensemble est déjà surclassé depuis la crise de l’artillerie rayée (1858) et une refonte complète de notre système fortifié s’impose.

La Redoute de Berwick à St Paul sur Ubaye à 1320 m

 Le général du génie Frossard dont les études approfondies sont présentées chiffres en mains le 30 juin 1862 n’a pas été entendu. Pourtant, ses reconnaissances concluent qu’une solide défense alpine passerait par des positions de barrage vers Thonon et Chamonix au nord, que l’interdiction de la Tarentaise et de la Maurienne est nécessaire et que les débouchés vers la grande vallée de l’Isère doivent être fortifiés puissamment (Al­bertville, Chamousset).

Pour la défense de Nice (1), il a prévu de barrer les dangereuses vallées du Var et de la Tinée au niveau de leurs gorges par des « chiuses » (2) et de construire quatre forts dont trois à Nice et un ouvrage d’infanterie interdisant la douane de Pont-Saint-Louis.

Le projet demanderait 17 millions de francs (or) pour voir le jour. 


(1)   Le Comté de Nice et la Savoie sont rattachés à la France après la campagne d’Italie par Sénatus Consulte impérial du 11juin 1860.

(2)       Les Chiuses (probablement de l’italien chiuso = fermé) étaient des batteries-cavernes (sous-roc) flanquant un obstacle (pont roulant escamotant la route dans la paroi).

Malheureusement, il faut attendre les revers de 1870 pour que M. Thiers instaure un « Comité de Défense », chargé de la révision générale du système de défense des frontières, le 28 juillet 1872.

C’est en fait son rapporteur, le général Séré de Rivières (3) qui sera le promoteur du « nouveau système défensif à adopter pour la France ». Bien modestement d’ailleurs un seul chapitre est consacré aux Alpes dans le mémoire personnel qu’il fait adopter par le comité et le ministre le 24 mai 1874.

Sur une estimation de 25 millions de francs (or) proposés pour les Alpes, la moitié est consacrée à construire des forts détachés autour de Lyon (objectif principal supposé des Italiens qui selon lui, cherche­raient à rejoindre les Armées allemandes du Nord-Est).

La Batterie de Dormillouse - Le Lauzet Ubaye (2505 m)

Le reste reprend une partie des propositions du général Frossard (4). Grenoble, « place de dépôt », voit grâce à lui construire des forts détachés sur ses crêtes ; Albertville, le Chamousset, Briançon et Nice (5) sont également mis en chantier. Pour se prémunir d’un éventuel mouvement tournant, on réalise même des routes stratégiques à l’Authion, véritable clé de voûte de la défense entre Var et Roya.

En réalité, si Séré de Rivières est le promoteur de la majorité des forts, la plupart ne seront érigés qu’après son départ du comité.

A l’est de Nice, c’est au ministre lui-même, M. de Freycinet qu’on doit les réalisations les plus spectaculaires.

En effet, depuis mai 1888, le comité est dissous et c’est le Conseil Supérieur de la Guerre qui soumet désormais les grandes orientations au ministre. Outre le fort du Mont-Agel (1888-1891), à Monaco, qui de ses 1 100 mètres d’altitude peut, grâce à 6 batteries, tirer en direction de la frontière et donne des vues lointaines dans la profondeur du terrain, on lui doit les forts de Bourg-Saint-Maurice (Truc, Vulmix...).

(3)   Raymond-Adolphe Séré de Rivières, né à Albi en 1815, sera le promoteur des célèbres rideaux défensifs du Nord-Est, des forts du Sud-Est entre 1874 et 1885. Issu de Polytechnique, il sera directeur du Génie à Lyon. Il meurt en 1895, et laisse derrière lui une oeuvre grandiose.

 (4)   Le général Frossard, président du Comité des fortifications en 1869-1870 et 1874-1875, est né en 1807, mort en 1875.

 (5)   Les deux chiuses (Bauma-Negra et Saint-Jean-la-Rivière) et des forts détachés.


 

Caractéristiques de la fortification

alpine de Séré de Rivières (6)

 

Selon les termes mêmes du secrétaire du Comité de Défense dont les idées seront reprises longtemps durant, la défense des Alpes doit être concentrée aux voies de pénétration.

En effet, le théâtre d’opérations alpin étant considéré comme secondaire, il compte jouer sur les massifs infranchissables pour économiser les forces au profit des « rideaux défensifs » du nord-est évidemment prioritaires.

Les réserves doivent, à partir d’une position fortifiée plus en arrière, pouvoir paralyser un ennemi engagé dans une manoeuvre de contournement.

    A la tête des vallées, il préconise des « postes d’arrêt », et, sur les communications transversales, des « réserves tactiques » logées dans des forts d’occupation ».

(6)   D’après une note du 3e bureau du 7 février 1927 - SHAT 7 N 3829.

Le général Séré-de-Rivières

Raymond Séré-de-Rivières est né en 1815 à Albi. Polytechnicien, officier du Génie, il travaille en France et en Algérie, participe à la campagne d’Italie (1859). Lieutenant-colonel, il est nommé chef du Génie en 1864 a Metz où il fait accepter le système de défense par des forts détachés, distants d’environ trois kilomètres. Il est à Lyon quand Bazaines capitule à Metz sans avoir utilisé la capacité de défense des forts (octobre 1870).

Promu géneral en 1871, Séré-de­Rivieres est chargé de l’instruction du procès de Bazaines, puis nommé secrétaire du Comité de défense en 1873 pour diriger la fortification des frontières. Il fait adopter les “rideaux défensifs” où triomphe la doctrine des forts détachés. De fortes concentrations d’ouvrages barrent certaines zones et orientent l’ennemi vers les intervalles défendus surtout par des troupes. Fortification et manoeuvre se trouvent combinées. L’équipe de Séré-de-Rivieres définit en même temps les types d’ouvrages à construire. Pour édifier 166 forts, 43 ouvrages secondaires et 250 batteries échelonnées de la Mer du Nord a la Méditerranée, 437 millions de francs-or ont été dépensés. L’artillerie destinée aux places a exigé 229 millions. Enfin, les casernements affectés à une armée de conscrits ont coûté 181 millions. La III République a soutenu un effort comparable a celui de Louis XIV avec Vauban.

Cabane de Restefond

Le Fort moyen de Tournoux (1514 m)

 

L‘organisation défensive comprend en fait plusieurs types d’ouvrages :

 - La fortification de couverture (blockhaus, baraquements d’altitude, batteries.., qui doivent pouvoir être rapidement mais solidement tenus le temps que les réserves se concentrent) ;

- La « fortification d’arrêt » ou « de barrage », destinée à économiser les forces : plus puissante, échelonne en outre dans la profondeur du terrain ;

- La fortification de couverture (blockhaus, aux principales voies de pénétration (col du Télégraphe, Albertville).

Bien entendu, suivant le relief, ces différents types peuvent être très rapprochés les uns des autres voire même confondus.

Le cuirassement est rare car coûteux et lourd à monter (on préfère le roc, meilleure des protections).  Seuls les sites de choix en seront dotés (fort du Barbonnet à Sospel et ses deux tourelles de 155 «  Mougin » en fonte dure ; casemate cuirassée mitrailleuse à Vulmix ; casemate cuirassée de 155 à la Tête du Chien.)

 

Les influences de la crise de « l’obus torpille » sur la défense des Alpes.

Paradoxalement, les coûteux renforcements de béton qu’on va réaliser peu après la construction des forts du Nord-Est res­tent l’exception dans le Sud-Est Pourquoi?

  Plusieurs raisons expliquent ce phénomène; l’artillerie qui a fait des progrès considérables et peut détruire des forts puissants en quelques heures dans le Nord-Est est beaucoup moins à redouter en montagne : il fau­drait en effet s’assurer de solides voies de communication, régler des tirs en altitude, approvisionner en quantité suffisante les grosses pièces avec de lourdes et encombrantes munitions. D’autre part, qui, concentrerait tant de moyens sur une région man­quant d’intérêt pour nos adver­saires potentiels ?

C’est pourquoi, la plupart des constructions Séré de Rivières des Alpes resteront à jamais maçonnées.

  En fait, seuls quelques forts vont être partiel­lement renforcés de béton : le Télégraphe, le Replaton à Modane, ouvrage Puissant implanté au débouché des cols du Mont-Cenis et du Fréjus recouvert par 2,50 mètres de béton, le Sapey, son ouvrage de protection supérieure, le Barbonnet a Sospel dont une caponnière seulement sera renforcée, au titre des «travaux mixtes » avec les crédits de la société PLM, Paris-Lyon-Méditerranée exploitant la nouvelle ligne ferroviaire Nice-Coni (Italie) ainsi que des constructions de fin de ce XIXe siècle, comme le blockhaus de la pointe des Trois-Communes à l’Authion.

   Blockhaus de la pointe des Trois-Communes à l'Authion

Parfois, à la place de carapaces bétonnées, le service du génie constructeur va mettre à profit la protection du rocher : abris, cavernes, entrées arrière et galeries sous roc au Janus (à Briançon), magasins à munitions...

C’est aussi la multiplication et l’étalement de positions d’altitude préparées pour les hommes et l’artillerie : abris de combat bétonnés avec blindages des entrées de la position des Gondran à Briançon, positions de batterie (Lenlon, Gondrans...), routes stratégiques, baraquements forti­fiés d’altitude, téléphériques à traction électrique ou animale (pour les vivres principalement).

Ainsi, l’époque où naît l’Armée des Alpes se caractérise par des ouvrages d’altitude complétant ceux des vallées et dont l’occupation va devenir permanente par des unités désormais spécialisées (1887).

 C’est ainsi que des cols même secondaires sont maintenant surveillés et garnis de troupes en permanence (à partir de la fin 1892). Baraquements défensifs des Chapieux... de la Redoute Ruinée (Bourg-Saint-Maurice) ou des Acles, dominant la vallée de Névache (Briançon), des Fourches, en Haute-Tinée... La solitude des cimes finit par grouiller de bérets bleus.

 Passée la grave crise politique de la triple alliance, due en grande partie à l’arrivée de Crispi, l’Italie se range peu à peu à la raison. Après des accords de pseudo-neutralité en cas d’agression allemande (1902), il semble de plus en plus évident que nos voisins du Sud-Est vont rester dans l’expectative. 

C’est effectivement le cas en 1914 et l’Armée des Alpes, amputée au profit du Nord-Est d’une grande partie de ses effectifs et de ses matériels durant la Grande Guerre se conten­tera d’une simple mission d’observation et de retardement, jusqu’à l’entrée en guerre de l’Italie à nos côtés en 1915.

   

 

Errements de l’après-guerre

 

La paix revenue, le haut­commandement se repenche sur la défense des Alpes. Le souve­nir des puissants et destructeurs bombardements d’artillerie sur les forts de Liège, de Maubeuge, et de Verdun est encore dans tous les esprits. Or, très vite, Mussolini apparaît comme un personnage menaçant alors que Hitler ne semble qu’un agitateur sans importance.

    Le général Nivelle, chargé d’un rapport sur l’état de notre défense dans les régions du Sud-Est, revient avec des propos alarmistes : incompétence des troupes, vacuité des positions d’artillerie, etc.

Malgré des propositions im­médiates de constructions par la main-d’oeuvre militaire (MOM), il est éconduit.

    Nous sommes en 1925 et le Général Degoutte (7) commandant désigné de l’Armée des Alpes,  propose lui aussi des solutions à base de fortification : c’est le nombre des ouvrages qui ferait, selon lui,  la valeur de la position défensive et non leur puissance de feu individuelle. La région de Nice est d’après ses perspectives la première menacée par Mussolini.Fort du Lavoir à Modane

      Les premiers coups de force fascistes nous obligent à aller vite. Le 15 décembre 1925, le Conseil Supérieur de la guerre réexamine la question de la défense du pays. Il désigne un groupe d’Etudes : la Commission de Défense des Frontières.

Présidée et animée par le général Guillaumat, ne met qu’un an pour remettre ses conclusions : c’est le célèbre rapport du 6 novembre1926 dont un chapitre est réservé aux Alpes.

Naissance des premiers ouvrages de la ligne Maginot Alpine

 

      Entre temps, le général Degoutte s’appuyant sur de récents incidents de frontière avec l’Italie, à réussi à faire admettre sa première urgence par le ministre le 31 août 1927, et les quelques ouvrages prévus sont étudiés sur-le-champ : il s’agit des « forts » de Rimplas en Tinée (avec deux annexes d’infanterie, Fressinéa et Valdeblore) et de Flaut sur la Vésubie. Le vieux fort du Barbonnet à Sospel est amélioré et l’artillerie est installée à la batterie de Fontbonne pour interdire la route du littoral en provenance de Vintimille. On appelle cette première réalisation « programme réduit de défense de Nice ».


(7) Commandant désigné de l’Armée des Alpes. Ses études furent vivement critiquées par la suite.

(8) Archive du génie carton F 41/15 et SHAT carton 7 N 3827.


 Seul Rimplas est mis en chantier en 1928 : cet ouvrage très curieux par ses coûteux escarpements bétonnés est un massif rocheux spectacu­laire où se concentre une puissante artillerie pouvant en cas de crise prolongée être ravitaillée par un téléphérique. En fait, le maréchal Pétain et le général Debeney ne sont pas satisfaits des propositions du général Degoutte. La CDF se rend sur le terrain (été 1928). Elle rédige aussitôt ses conclusions qu’elle réunit dans un rapport particulier aux Alpes le 12 février 1929. Dès lors, le général Degoutte et les alpins sont définitive­ment mis à l’écart des études.

Ce rapport de 110 pages et deux annexes financières (8) établit par secteur (Savoie, Haute-Durance, Alpes-Maritimes), les organisa­tions à construire en fonction du relief, des forts anciens existants. Les dépenses à prévoir y sont évaluées par secteur et par catégorie de matériel.

La conclusion évalue un « programme d’ensemble » après exécution d’un « programme restreint » auquel on rattachera pour les Alpes­Maritimes le « programme réduit la défense de Nice » déjà mis en chantier pour que, selon le voeu du maréchal Pétain « le travail soit uniformisé ».Ouvrage Maginot de la Moutière (2554m) - Le bloc 3 Pour chaque secteur, les urgences sont indiquées. Deux principes fondamentaux sont poursuivis concentration des ouvrages aux points cruciaux et mise sous abri (roc ou béton) d’une partie seulement des troupes de forteresse. Par souci d’économie, la fortification nouvelle s’appuiera au maximum sur les forts Séré de Rivières existants. Le 19 mars, le ministre, chef d’État-Major général de l’Armée de janvier à mars 1928, ap­prouve le « programme d’ensemble » (9).


(9)     M. Paul Painlevé à quelques mois près, la ligne Maginot se serait appelée ligne Painlevé à quoi tiennent les choses !


  

Véritable livre de chevet pour la CORF, commission chargée de l’exécution des travaux, le rapport prévoit une dépense de 700 millions de francs étalée sur 10 ans.

La première tranche de travaux est appelée programme restreint : coût 208 millions (ouvra­ges indispensables).

Le 14 janvier 1930, la loi que vote le parle­ment, dite Loi Maginot, n’en accorde que 180.

Au total, la CDF a prévu de construire 75 nouveaux ouvrages (selon les termes du maréchal Pétain, « ultra-modernes et capables de défier longtemps les progrès des moyens de l’atta­que et de la défense ») et d’en remanier 28.

 Malheureusement, de février à décembre 1930, suite à des difficultés financières internationales, le coût du programme est revu à la hausse.

 Les premiers ajournements d’ouvrages ont aussitôt lieu (Mont-Cenis...) et seuls 26 gros forts restent en lice.

 Fin mai, le Maréchal et trois généraux se rendent sur les sites prévus. Ils décident de compléter le dispositif par des ouvrages d’infanterie et des avant-postes sur les crêtes frontières. Ils obtiennent une ral­longe de crédits de 160 millions mais il manque encore 40 millions et des gros ouvrages comme l’Arboin à l’Authion vont dès lors rester dans les cartons des bureaux d’études. L’utilisation de la MOM est envi­sagée pour rattraper l’écart. C’est le « programme restreint remanié » (décembre 1930).

 Fin 1932, la crise entraîne un nouveau dépassement des crédits, mais les ouvrages sortent quand même de terre et les Directions et Chefferies de travaux de fortification sont à cette date des ruches bourdon­nantes. Les bureaux d’études travaillent à un rythme effreiné. Les officiers sillonnent les routes en lacets pour contrôler l’exécution des chantiers.

Fort du Chaberton (3130 m)

 

Les caractéristiques des nouvelles fortifications  sont les suivantes :

   du nord au sud : du Petit-Saint-Bernard à Larche, la défense se concentre autour des cols principaux;

  puis du Mont-Mounier à la mer, dans le secteur des Alpes-Maritimes, c’est un front quasi continu de 120 kilomètres de long (à cause d’un relief plus perméable en toutes saisons).

 

On distingue deux positions : au plus près de la frontière sont construits des avant-postes, occupés par des éléments de sûreté qui mettent la position résistance à l’abri d’une prise.

Les premiers sont construits par la MOM et comportent de petits blocs défensifs ou d’observation reliés souvent par galerie à des locaux annexes pour vivres, munitions, etc.

 Sur la ligne principale de résistance son implantés les ouvrages puissants qui par leurs feux peuvent appuyer les avant-postes, assurer des observations lointaines et des tirs massifs.

 

 La Commission de Défense des frontières a prévu plusieurs types d’ouvrages sur la position de résistance (10) :

 —  « Les ouvrages d’ossature » bien armés bien équipés ;

 —  « Les ouvrages intermédiaires de la ligne principale de défense » : leur armement généra­lement d’infanterie, complète les plans de feu des premiers ;

 —  « Les ouvrages d’artillerie » (en arrière de la ligne). Seul de ce type à être construit dans les Alpes-Maritimes, le Mont-Agel qui recevra deux tourelles de 75 en première urgence (sa tourelle de 145 de long —  2e urgence —  ne sera pas réalisée) ;

-     Des « abris » (3 types) où logent les troupes combattant dans les intervalles.

 

Les gros ouvrages sont dotés d’une artillerie spécifique privilégiant les mortiers de 81 mm et de 75 mm, utilisant des transmissions enterrées, radio ou optiques. Pas de «trains électriques (les galeries sous roc étant étroites) ou de voies de 60 extérieures ». Les ravitaillements en munitions se font par camionnettes jusqu’aux entrées mixtes munies d’un pont-levis démasquant un hall de déchargement.

        Les crédits alloués consacrent une part non négligeable aux travaux routiers (rocades, d’acheminement des troupes, de matériels), aux téléphériques pour ravitailler les ouvrages en munitions, aux dépôts de matériel, de munitions, aux lignes d’énergie.

Pour loger les garnisons de sûreté créées en 1933, des casernes toutes neuves et des cités cadres sont construites qui bouleversent la physionomie des villages de l’arrière-pays.

 

 

Achèvement des travaux et programme d’avenir »

 

En avril 1934, les troupes de forteresse, d’abord des bataillons de RIA (régiments d’infanterie alpine) détachés, puis les BAF (bataillon alpins de forteresse) sont mises sur pied, complétées par des artilleurs et des spécialistes. Le commandement décide l’arrêt des travaux (qui d’ailleurs sont en voie d’achèvement) à la suite d’un illusoire accord Mussolini-Laval (5 janvier 1935).

Ouvrage Maginot de Saint-ours haut (1880 m) - Le bloc 2

 Mais la suite des événements (Éthiopie, naissance de «l’Axe ») nous pousse à les reprendre en toute hâte.

Après la dissolution de la CORF (11) en 1935, l’aménagement du terrain revient aux commandants de régions militaires et de secteurs fortifiés. Les travaux reprennent en 1937 alors qu’on met en chantier des ouvrages jadis placés en 2e urgence : Plan Caval, Pointe des Trois-Communes à l’Authion, puis (mars 1940), la Vachette à Briançon.


(10) archives du génie cartons F 45...

 (11) commission d’organisation des Régions fortifiées, crée en 1927, présidée par l’Inspecteur général du Génie, d’abord le général Filloneau, puis le général Belhague. L’opinion publique a trop souvent oublié dans la campa­gne 1940 que la ligne Maginot n’avait de valeur effective que parce que les intervalles étaient garnis de troupes de surface pouvant intervenir au profit de certains secteurs menacés. C’est la présence de ces « intervalles » qui a contribué à la victoire sur les Alpes. Le départ des troupes d’intervalIes en particulier l’artillerie dans le Nord-Est laissera certains ouvrages livrés à eux-mêmes. Certains secteurs fortifiés dépourvus d’artillerie succombèrent alors rapidementment.


  

Le 5 février 1937, le ministre prescrit au général Mittelhauser d’étudier un « programme d’avenir » visant à achever le « programme d’ensemble » en portant l’effort vers les zones les plus menacées.

Multipliant reconnaissances et études, ce dernier propose des renforcements notoires de certains secteurs en particulier sur la Tarentaise.

Mais il est en fait trop tard et les travaux pourtant menés bon train sont ralentis par des hivers très rigoureux. Les cuirassements hissés par de véritables tours de force jusqu’aux chantiers resteront à jamais près des fouilles des blocs non construits.

Des ouvrages entiers ne seront pas terminés Plan Caval, Restefond (à 2 800 mètres d’altitude), Granon, Buffère... Dans les Alpes-Maritimes, deux lignes (première et deuxième position) totalisant 36 casemates d’infanterie seront pourtant réalisées par la MOM après la mobilisation de 1939.

Au bout du compte, peu importe si la cuirasse est incomplète car nos troupes alpines de forteresse disposent à la veille de la guerre d’armes efficaces et bien abritées. Elles sont prêtes à affronter l’Italien...

Les événements de juin 1940 démontreront la justesse des dispositions prises et la valeur du travail accompli : avec des effectifs bien pauvres, et pourtant prise en tenaille, l’Armée des Alpes restera la seule armée invaincue de cette campagne.

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